Version synthèse de cet article disponible: https://www.groupeperrier.com/post/repenser-les-paradigmes-du-changement-en-hse-une-révolution-positive-et-essentielle
La situation extraordinaire créée par la crise sanitaire autour du Covid-19 a contraint les individus, les entreprises, les états, les associations à modifier radicalement leurs façons d’agir, de penser, de s’organiser et de faire corps ensemble. Ceci a permis d’agir dans l’urgence pour faire face à la situation grâce à l’extraordinaire mobilisation des personnels soignants mais aussi de millions d’anonymes. Dans cette période, nous avons beaucoup entendu de réflexions autour du « plus rien ne sera jamais plus comme avant », « nous allons devoir changer radicalement nos approches », … On peut malheureusement redouter que ces belles (et indispensables) intentions ne soient très vite rattrapées par la réalité et le retour à la « vie normale », sous-entendu « comme avant ». Le temps long qui s’impose à nous dans cette période étant propice à la réflexion, je me suis questionné sur cette notion de changement qui revient sans cesse comme un leitmotiv, particulièrement en ces temps troublés. Quelles sont nos approches classiques du changement s’agissant plus spécifiquement de la santé-sécurité et environnement (que nous résumerons par l’acronyme HSE dans la suite de l’article)? Ne pourrions-nous pas imaginer une façon radicalement différente de concevoir et de vivre le changement en HSE, et peut être plus largement?
Le changement en HSE prend de multiples formes, qu’il soit dicté par les évolutions techniques ou réglementaires, motivé par les processus que les entreprises souhaitent mettre en place pour dynamiser le management de l’HSE, ou bien encore par une performance non satisfaisante. Il est un autre domaine qui appelle du changement sur le sujet, c’est la dimension culturelle de la prévention à l’œuvre dans une organisation. Il faut « changer la culture sécurité », « nous devons changer les comportements », comme nous pouvons l’entendre souvent. Il faut nous réjouir de voir la dimension culturelle et humaine de la prévention émerger petit à petit dans les entreprises comme un levier stratégique pour améliorer durablement la performance en HSE en complément des dimensions techniques et systèmes. La performance en HSE est bien le fruit de cette alchimie délicate entre ces trois dimensions: humaine, technique et système.
De façon schématique, toute culture (et cela est donc vrai pour la culture de prévention) s’appuie sur des convictions partagées (ce qui est vrai, ce qui est faux) et sur des normes sociales régissant la conduite des individus au sein de l’organisation, c’est à dire les comportements. Convictions et comportements sont eux-mêmes influencés et guidés par des valeurs partagées. Dans ce cadre, les systèmes de prévention apparaissent comme reflet de la culture existante au sein d’une organisation. C’est donc bien l’action résolue sur la dimension humaine qui permet de créer les conditions d’une culture de prévention vécue positivement au sein des entreprises et c’est là le challenge auquel sont confrontées les entreprises… Force est de constater également que les approches traditionnelles du changement (ce que l’on appelle la gestion du changement) apparaissent très limitées pour arriver à des résultats durables.
Commençons donc par identifier, dans un premier temps, les paradigmes traditionnels du changement, que nous appellerons volontairement les « mythes », et d’en voir les implications très concrètes en matière de HSE.
Nous verrons dans un second temps quels pourraient être les paradigmes d’une approche renouvelée et engageante du changement et, sur cette base, de tracer les voies d’une approche différente de la prévention en entreprise.
Cet article s’appuie sur les nombreuses années d’expérience que le Groupe-conseil PERRIER possède dans l’accompagnement des entreprises et de leurs managers dans le domaine de la prévention dans de très nombreux pays et environnements différents. Nous avons ainsi pu voir le changement à l’œuvre sous de multiples formes, d’en mesurer les impacts et de recueillir le sentiment des parties prenantes, des équipes exécutives aux employés, en passant par les différents niveaux du management opérationnel et de support. Il doit également aux travaux développés par David L. COOPERRIDER et son équipe au sein du Center for Appreciative Inquiry du Champlain College/Stiller School of Business. Ayant eu le plaisir d’échanger avec lui lors du récent World Appreciative Inquiry Congress qui s’est tenu à Nice en 2019, nous avons pu constater combien ses activités entraient en résonance avec notre propre expérience. Ses nombreux travaux, notamment auprès des Nations Unies sur la question du développement durable, sont une source d’inspiration importante.
L’approche traditionnelle du changement en HSE s’appuie sur quelques mythes particulièrement prégnants; nous en verrons plus spécifiquement six. Ces six mythes influencent très directement la façon dont nous pilotons la prévention dans l’entreprise.
LES MYTHES DU CHANGEMENTS
Le premier de ces mythes veut que, les personnes résistent naturellement au changement. Tout changement est d’abord et avant tout un processus émotionnel par lequel passe chacune des parties prenantes exposées au changement. De nombreuses études ont été dédiées à l’analyse de l’ensemble des mécanismes de ce processus et des différentes phases qui le caractérisent : déni, résistance, exploration, engagement. Tout changement se traduit pour les individus par des gains, mais également des pertes. Les mêmes études suggèrent des modalités pour gérer les différentes phases du changement. Malgré cela, nous persistons à considérer les personnes, par essence, résistantes au changement.
Le deuxième mythe que nous rencontrons suggère que le changement est d’abord motivé par nos échecs, nos problèmes, nos faiblesses. Cela est particulièrement vrai en matière de HSE : nombre de changements sont initiés par une performance insatisfaisante, une recrudescence des événements accidentels, voire dans des cas les plus extrêmes, l’expérience d’un événement dramatique.
Troisième mythe, très lié au précédent, prétend que nous recherchons le changement quand nous sommes insatisfaits. L’insatisfaction s’exprime de multiples façons et à tous les niveaux de l’organisation, que ce soit dans la manière dont les managers gèrent la prévention, ou dans les moyens mis en œuvre pour progresser. Mais, quelle qu’en soit l’expression, un changement initié par nos insatisfactions est un changement motivé par un sentiment négatif.
Quatrième mythe : l’action des personnes se base sur les incidents et les événements passés. Ceci est très présent en matière de HSE, où les ressources passent un temps considérable dans la compréhension et l’analyse des accidents et des échappées belles. De même, le pilotage de la prévention se base très souvent sur des indicateurs mesurant des taux de fréquence d’accidents et des nombres d’accidents. Dans tous les cas nous traitons une performance passée. On regarde le rétroviseur plutôt que devant soi, on se focalise sur éviter de reproduire le passé plutôt que d’inventer l’avenir.
Le cinquième mythe s’appuie sur la conviction que la confiance se crée par l’échange entre les personnes. Nous considérons que le dialogue avec l’ensemble des parties prenantes va permettre de développer l’engagement individuel comme collectif. Plus encore, c’est de la multiplication des échanges que naît la confiance des individus dans le processus.
De là découle le dernier des mythes relatif au changement : c’est la communication qui crée l’adhésion et assure donc un changement réussi. La boucle est ainsi bouclée! Il suffit pour s’en convaincre de voir les efforts considérables qui sont engagés dans les actions et processus de communication autour des démarches de changement dont nous pensons naïvement qu’elles nous permettent de « vendre » le changement et donc que ceux qui sont impactés par le changement vont « l’acheter ». Trop souvent, nos belles initiatives en prévention se résument à une opération de marketing.
L’APPROCHE RÉACTIVE DU CHANGEMENT EN HSE
L’ensemble de ces paradigmes traditionnels influencent directement l’approche que nous avons du pilotage du changement en HSE au sein d’une organisation.
Celle-ci se résume autour des éléments structurants suivants :
· Nous cherchons à identifier le plus de choses possibles qui ne vont pas, le plus de problèmes possibles. Nous passons ainsi un temps considérable à rapporter le plus grand nombre possible de situations à risque, d’incidents, de comportements non sécuritaires, de déviations, d’écarts… La liste pourrait s’allonger à loisir. Nous faisons de l’ensemble de ces « problèmes » la justification et le moteur de notre action de prévention. Un exemple caricatural, mais tellement répandu de cette approche, est « la chasse aux écarts » que certaines entreprises demandent à leurs managers de faire régulièrement.
· Nous répondons quand un problème survient. La prévention dans nombre d’organisations s’appuie sur la réaction aux événements, aux incidents, aux « écarts » mentionnés ci-dessus. Plus déterminant encore, s’il n’y a pas d’accident, beaucoup d’organisations ne portent pas de regard sur les signaux faibles (échappées belles, comportements à risque), pensant que parce qu’il n’y a pas d’accident, et donc que le taux de fréquence diminue, elles ont atteint la maturité en prévention… Combien de fois avons-nous vu des organisations de ce type penser que puisqu’il n’y a pas d’accident, « tout va bien »? Les réveils sont malheureusement souvent fort douloureux. L’histoire récente nous le rappelle cruellement alors que voici 10 ans exactement survenait la catastrophe dans le golfe du Mexique sur la plateforme Deepwater Horizon intervenue après sept années sans accident avec arrêt.
· Nous catégorisons les risques et leurs conséquences potentielles. L’évaluation des risques et de leurs conséquences est l’une des caractéristiques les plus évidentes d’une approche de prévention basée sur les mythes décrits ci-dessus. C’est d’ailleurs bien souvent une obligation légale dans beaucoup de pays. Nous ne voulons pas dire par là qu’une action résolue sur les risques n’est pas nécessaire. Bien au contraire! Mais comme nous le verrons ci-dessous, ce n’est pas l’évaluation qui est l’enjeu…
· Corollaire des deux précédents principes, nous enquêtons et analysons pour déterminer les causes immédiates comme fondamentales de nos événements. La boîte à outils est en la matière pleine et les experts en HSE sont bien souvent d’abord des experts en investigation des incidents. C’est la caractéristique même de l’approche réactive induite par les mythes ci- dessus rappelés.
· Nous considérons les personnes, les individus, comme la principale source de risque : les plus anciens seraient à risque parce qu’ils travaillent par habitude, les plus jeunes aussi parce qu’ils ne sont pas assez conscients des risques. De même, très souvent les actions correctives déclenchées suite à une analyse d’incident consistent en des mesures techniques fondamentalement destinées à « protéger les personnes contre elle-mêmes ». Cela s’applique à tous les niveaux de l’entreprise, de la haute direction au plus humble des collaborateurs : quand ça ne va pas, c’est toujours la responsabilité (le problème) de quelqu’un ou d’un groupe.
· Dans ce contexte, nous mettons l’accent sur la norme, la règle, la procédure. Les systèmes de management en HSE sont ainsi très souvent complexes, démesurés, se traduisant par un système documentaire pléthorique. Et ce n’est pas seulement le fait que les autorités ou les entreprises contribuent à produire de la bureaucratie sur le sujet.
Ce faisant, les entreprises définissent des corpus d’obligations que tout un chacun se doit de « respecter ». Les managers sont de ce fait bien souvent cantonnés dans le rôle du policier devant s’assurer que les règles sont effectivement « respectées » (en passant, remettons le respect là où il doit être, c’est-à- dire dans la relation entre les personnes et appliquons les règles!) et si écart il y a de prendre les mesures qui s’imposent pour que les règles soient effectivement respectées. En passant, de combien des règles et procédures que l’on demande aux employés d’appliquer serions-nous capables de nous souvenir d’un jour à l’autre? De très intéressantes études existent sur le sujet.
Cette approche du management de la prévention et de la façon dont les entreprises conduisent le changement en matière de HSE est le fruit direct des mythes fondateurs que nous avons décrits. Cette approche classique est avant tout une approche réactive de la gestion du changement en HSE. Elle peut se résumer par le schéma suivant :
Comprenons-nous bien, loin de nous l’idée de dire qu’il ne faudrait plus évaluer les risques, de disposer de normes ou d’analyser nos incidents, mais l’expérience nous a montré que l’approche traditionnelle du changement a beaucoup de mal à générer une performance durable et à créer de l’enthousiasme, de l’adhésion. Plus grave encore, cette approche réactive instille dans l’esprit des collaborateurs (comme des managers) l’idée que l’HSE, c’est avant tout des contraintes, en faisant ainsi une valeur négative.
Nous n’avons jamais entendu dans nos interactions avec les employés ou les managers que l’un ou l’autre venait au travail pour se faire mal, mais nous avons aussi beaucoup entendu que l’HSE n’était pas vécu positivement. La culture de prévention ne peut pas évoluer quand la santé, la sécurité, l’environnement sont perçus négativement par les parties prenantes.
Nous vous proposons donc dans cette seconde partie de nous interroger les mythes traditionnels du changement et de voir quels paradigmes pourraient guider l’action en HSE à l’avenir. Nous appliquerons ensuite ces nouveaux paradigmes pour présenter une approche renouvelée du changement en HSE. Par souci de clarté, et comme il s’agit de challenger les mythes traditionnels, nous insisterons sur six paradigmes inspirants.
LES INSPIRANTS PARADIGMES DU CHANGEMENT
Le premier de ces nouveaux paradigmes propose que le changement soit une opportunité qui fait naturellement ressortir le meilleur de chaque personne. Le changement est une formidable opportunité de libérer les initiatives au lieu de créer des carcans. Si le meilleur est à l’œuvre, supportons les personnes à l’origine de ces progrès et valorisons ce qui est fait. Voilà une belle manière de mettre du positivisme dans un processus de changement et ainsi réduire les mécanismes de résistance souvent observés dans le processus traditionnel. Un exemple extraordinaire de ce paradigme en action est de voir la mobilisation de beaucoup de personnes pour aider, supporter, accompagner les plus vulnérables ou les plus exposés pendant la crise du Covid-19.
Deuxième de ces nouveaux paradigmes, la motivation à changer, s’appuie sur les forces et pas uniquement sur les échecs, en s’appuyant sur les qualités des parties prenantes. C’est la voie du succès. Dans ce cadre, tout projet d’évolution culturelle en matière de prévention doit être bâti avant tout sur le potentiel de chacun et sur les forces partagées dans l’entreprise. Cela facilite la définition d’objectifs ambitieux, à la hauteur des enjeux, en plus de faciliter également l’atteinte de ceux-ci et donc la réussite du changement. Cela aide à se focaliser sur le futur. Comme nous l’avons dit précédemment, on ne change pas le passé, on invente le futur.
Troisième paradigme, le changement est plus facile quand on se sent fort et non quand on est insatisfait. Pour réussir sur le long terme, les équipes et les individus, à tous les niveaux de l’organisation, doivent se sentir respectés et valorisés dans leur action ou leur contribution.
L’enjeu ici est de créer de la motivation dans le processus de changement. Se sentir bien, se sentir fort, est essentiel à la motivation. De ce point de vue, tous les processus de renforcement positif au cœur de l’action culturelle en matière de HSE sont essentiels.
Quatrième paradigme, l’action humaine positive est nécessaire pour un avenir inspirant. C’est la conséquence directe du paradigme précédent! Plus les personnes dans l’organisation se sentent valorisées et sont positivement renforcées dans leurs initiatives, plus elles dépasseront les cadres imposés, plus elles seront ambitieuses dans leurs objectifs et leurs initiatives. Que de portes intéressantes en matière de changement en HSE sont ouvertes au travers de ce paradigme! Combien d’opportunités sont malheureusement perdues en la matière, contribuant à distancer les parties prenantes des démarches de prévention?
Cinquième paradigme : la confiance essentielle au succès des attendus du changement est atteinte lorsque les personnes sont dans la conception, l’innovation, la pratique. Tout processus de changement est d’abord un processus émotionnel pour ceux qui le vivent. Il est donc fondamental d’aller bien au-delà des procédés classiques d’échange, aussi percutants soient-ils. La mise en action concrète, non seulement dès les phases de conception ou de design, mais également dans la réalisation d’actions participant au changement, crée de la confiance. La confiance se construit dans le mouvement, elle ne se décrète pas. Les parties prenantes du changement doivent non seulement se sentir écoutées (ressort indispensable de la valorisation), mais également impliquées personnellement dans le projet.
Sixième et dernier paradigme : la motivation intrinsèque, qui vient du « faire », est ce qui propulse le cœur du changement. Il est démontré depuis longtemps que plus les personnes se sentent partie prenante d’un processus de changement, plus l’engagement se renforce, plus la créativité se libère et plus dynamiques seront les résultats. Être partie prenante, c’est avant tout « faire », réaliser. Cette implication dans l’action permet non seulement de modifier positivement la relation au projet de changement, de vivre le changement sans s’accrocher aux pertes (qui, de toute façon, seront présentes), mais aussi d’expérimenter des gains pour soi-même d’abord et pour l’organisation ensuite. C’est un booster essentiel de la motivation.
UNE APPROCHE RENOUVELÉE DU CHANGEMENT EN HSE
Reprenons ces nouveaux paradigmes et voyons à présent à quelle approche renouvelée du changement en HSE cela pourrait nous conduire. Nous pourrions, sur cette base dynamique, structurer l’évolution d’une culture de prévention autour des quelques principes suivants :
· Identifions le maximum possible de choses qui vont bien. Portons notre attention sur tous les comportements sûrs et préventifs parfaitement à l’œuvre dans nos organisations, sur les initiatives individuelles ou d’équipe permettant d’améliorer la prévention. Arrêtons la chasse aux écarts et valorisons ce qui est bien. La centration traditionnelle sur les problèmes nous rend en quelque sorte aveugles sur les autres dimensions tellement plus valorisantes de la prévention. Il s’agit avant tout ici de rééduquer notre œil, notre observation, lorsque nous sommes sur le terrain pour (re)voir ce que les collaborateurs font de bien.
· Anticipons les évolutions plutôt que de répondre. Pour faire évoluer une culture de prévention, il est fondamental d’avoir une vision à moyen long terme, de savoir où nous voulons aller comme entreprise, site ou même service. Imaginer comment nous voulons que notre organisation soit dans le futur en matière de prévention est la pierre angulaire du changement dynamique en HSE. Au-delà du processus en lui-même, c’est fondamentalement une nouvelle façon de penser l’action de prévention.
· Éliminons les dangers et maîtrisons les risques lorsque nous ne pouvons éliminer le danger. L’enjeu ici est de dépasser l’évaluation des risques stricto sensu et de porter notre énergie, avec les personnes, celles qui au quotidien font face aux risques, sur ce que nous faisons pour éliminer ou maîtriser les risques. Nous sommes intimement convaincus que c’est de ceux qui connaissent les risques que viennent les meilleures modalités de maîtrise de ceux-ci, d’où l’importance de remettre les managers et les collaborateurs au cœur du processus. Au passage, voilà une belle façon de sortir de la « prévention-contrainte ». Lorsque nous sommes acteur du processus, nous ne le subissons plus.
· Analysons pourquoi les choses vont bien. Cette affirmation pourra sembler iconoclaste pour plusieurs, mais pensons-y : beaucoup de professionnels HSE et de managers pratiquent depuis longtemps l’analyse d’incidents (et pas seulement en HSE – pensons à la qualité, aux AMDEC techniques, etc.). Par ailleurs, la boîte à outils est généralement connue et maîtrisée. Pourquoi ne pas utiliser cette réserve de connaissances et de pratiques pour analyser les processus qui vont bien en HSE? Pourquoi ne pas faire l’arbre des causes d’une démarche de prévention réussie? En identifier les raisons profondes? Plutôt que de trouver des responsables, voire des coupables parfois, comme c’est trop souvent le cas dans les analyses d’incidents, nous y trouverons des dynamiques, des façons de faire que nous pourrions aisément dupliquer. Pour faire écho aux travaux de Sydney DEKKER sur le sujet, plus de 99 % des choses se passent bien d’un point de vue HSE. Quoi de plus intéressant que de les identifier, les analyser pour ensuite les reproduire.
· Voyons les personnes comme la (res)source du progrès. Cette approche renouvelée et proactive du changement en HSE repose d’abord et avant tout sur la conviction forte que chacun dans l’organisation a un rôle, une contribution au projet. Cent personnes qui portent une action de prévention dont elles ont été les bâtisseuses créent plus de dynamique et de performance que des actions de prévention imposées par quelques-uns dans une approche top-down que les collaborateurs devront subir. Il importe donc d’aller chercher cette énergie et d’ouvrir des espaces de création dans un processus d’évolution de la culture de prévention.
· Si nous considérons avant tout la personne comme la (res)source du changement, portons alors notre attention sur les comportements plutôt sur la règle, la norme. C’est une condition essentielle du succès. Et quand nous parlons de comportements, il s’agit du comportement de tous, de la haute direction, des managers jusqu’à chaque collaborateur. Pour cela, il importe de comprendre les ressorts des comportements, d’interagir de façon ouverte (sans check-list) avec les personnes dont nous avons la responsabilité en tant que manager, de prendre le temps de s’intéresser au travail, de donner du feedback de manière à aider la personne à progresser ou à renforcer ses bonnes pratiques. Cela suppose de s’appuyer sur un leadership d’impact de la part des managers, leadership dans lequel ils doivent trouver de l’intérêt pour eux-mêmes : « vouloir faire » plutôt que « devoir faire ».
C’est à cette évolution que nous invitons les entreprises et les organisations qui veulent progresser en matière de culture de prévention, pour passer d’une culture réactive à une culture proactive, sans artifice, en s’appuyant d’abord et avant tout sur les principes d’action ci-dessus présentés.
Nous avons voulu, à travers cet article, montrer combien les paradigmes qui nous structurent individuellement et collectivement ont une influence directe sur la manière dont nous conduisons le changement en HSE. Est-ce dire qu’il y aurait une « bonne » façon de faire et une « mauvaise »?
Absolument pas. Bien des démarches dans l’approche classique sont indispensables. Nous avons juste voulu vous inviter à identifier les paradigmes qui sont à l’œuvre dans votre organisation, à voir comment ils se traduisent dans votre management du changement en HSE et vous ouvrir à d’autres façons de penser le changement, pour ensuite trouver de nouvelles façons de vivre et de faire vivre le changement en HSE. C’est un défi majeur pour nous permettre d’aborder ces temps nouveaux de la meilleure des façons possibles.
Prévenir, c’est éviter des drames, des catastrophes, qui trop souvent affectent la vie, la santé, l’intégrité physique des collaborateurs dans une entreprise ou des communautés. C’est un impératif moral pour chacune et chacun d’entre nous. Vivons cet impératif positivement, sortons des schémas classiques pour ré-enchanter la prévention dans nos organisations. Nul doute que cette approche puisse aussi nous aider à inventer un nouvel avenir post-pandémie. Nous avons toutes et tous tellement à y gagner…
Résumé de cet article disponible: https://www.groupeperrier.com/post/repenser-les-paradigmes-du-changement-en-hse-une-révolution-positive-et-essentielle
Olivier Leroux, vice-président. Mai 2020
Comentários